Suniti Solomon a soigneusement disposé les photos des futurs mariés sur son petit bureau, les plaçant soigneusement sous une tasse et une soucoupe en acier inoxydable, à l'abri du vent. Autour d'un café filtre et avec l'aide de ses collègues, elle allait jouer les entremetteuses.
Mais ce qui se passait dans cette maison sans prétention, dans une rue tranquille du quartier animé de T. Nagar à Chennai, n’était pas un mariage arrangé ordinaire. C’était le résultat de l’affection du Dr Solomon pour tous ceux qui frappaient à la porte de son ONG. Profondément impliquée dans la vie de ses patients, elle comprenait à quel point leur souffrance était aggravée par la stigmatisation sociale. Elle s’efforçait de remédier à leur manque d’opportunités matrimoniales en les mettant en relation.
La découverte du VIH en Inde par Suniti Solomon
Le Dr Solomon a rejoint le Madras Medical College en 1971 pour obtenir son diplôme de troisième cycle en microbiologie, après avoir suivi une formation à Londres et à Chicago. En tant que membre de la faculté au début des années 1980, elle a lu des articles dans des revues médicales internationales détaillant la propagation rapide de ce que beaucoup considéraient alors comme une maladie mystérieuse : le VIH, selon The Hindu.
En 1986, le Dr Solomon et son étudiante Selleppan Nirmala ont collecté des échantillons de sang auprès de 100 membres de la communauté des travailleuses du sexe à Chennai, en réponse au discours du gouvernement qui niait l'existence du VIH. Comme elle l'avait prévu, six échantillons se sont révélés positifs au VIH. Ces résultats étaient peut-être révélateurs d'une épidémie bien plus importante dans tout le pays, compte tenu de la taille de la population indienne.
Ce constat choquant a poussé le gouvernement à agir. Il s’est préparé à une crise sans précédent, compte tenu de la prévalence de la pauvreté et du manque d’accès à des soins de santé de qualité dans le pays. Mais, fait remarquable, cette catastrophe a été évitée : le taux d’incidence en Inde est resté inférieur à 0,3 %. Le nombre annuel de personnes nouvellement infectées par le VIH a diminué de près de moitié entre 2010 et 2021 en Inde.
Ces progrès sont dus au contrôle réussi de la contagion en Inde, grâce à la mise en place de traitements antirétroviraux gratuits, à des initiatives de sensibilisation et à un engagement efficace auprès de la société civile. Mais ils sont aussi dus, au moins en partie, aux efforts du Dr Solomon.
Traiter la maladie et guérir l'individu
À l'écoute des patients, du cas d'un enfant de 13 ans infecté à celui d'une famille dont les membres se sont suicidés lorsque la nouvelle du diagnostic s'est répandue, le Dr Solomon a ouvert le tout premier centre de dépistage volontaire du VIH et de conseil en Inde au Madras Medical College. En 1993, elle a décidé de diriger de manière indépendante sa propre ONG, le YR Gaitonde Centre for AIDS Research and Education (YRG CARE).
Le Dr Solomon a ainsi créé un espace sûr et accueillant pour toutes les personnes vivant avec le VIH qui étaient passées entre les mailles du filet des soins de santé publics. YRG CARE a débuté avec seulement trois employés. Cependant, selon l'American Society for Microbiology, elle compte aujourd'hui 1 000 membres, répartis dans les 28 États de l'Inde. Elle a été la première à mettre en place des programmes de sensibilisation au VIH dans les écoles et les collèges. Elle a fourni des soins à près de 2 millions de personnes vivant avec le VIH, allant d'un accès facilité à des médicaments pharmaceutiques spécialisés à des installations de récupération dans des centres d'hospitalisation.
Suniti Solomon : L'héritage
Le Dr Suniti Solomon a reçu de nombreuses distinctions de son vivant, allant d'un doctorat honorifique en sciences médicales de l'Université Brown à un Lifetime Achievement Award décerné par la Tamil Nadu AIDS Control Society. Elle est décédée en 2015, à l'âge de 76 ans. De nombreuses personnes, dont Michael Specter du New Yorker, se souviennent d'elle comme d'une personne chaleureuse, empathique et douce. De vieilles interviews reflètent son esprit fougueux et peu orthodoxe. Ses collègues se souviennent qu'elle leur inspirait espoir et courage. Le gouvernement indien lui a décerné à titre posthume le Padma Shri, la quatrième plus haute distinction civile indienne, en 2017.
Shiveka est basée à Londres, au Royaume-Uni, et se concentre sur les bonnes nouvelles et la santé mondiale pour le projet Borgen.
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