Pour de nombreuses filles et femmes, les premières règles s’accompagnent souvent de sentiments de gêne, de peur, voire de honte, des émotions dont elles se souviennent très bien. Ces sentiments ne s’estompent cependant pas avec le temps, mais continuent à façonner leur expérience des règles. L’arrivée de ces premières règles, un moment censé marquer le début de la féminité, devient alors rapidement un obstacle mensuel à l’éducation pour de nombreuses filles et femmes du monde entier qui doivent évoluer dans un contexte où leurs règles sont stigmatisées. Pour augmenter la participation des filles à l'école, il faut aborder la question des menstruations et lever le tabou qui l'entoure dans le système éducatif. C'est l'objectif du projet de recherche de l'École d'économie de Paris (PSE) à Madagascar. L'objectif de cette recherche est de créer une place pour les menstruations dans l'éducation et de favoriser un environnement où elles ne sont plus stigmatisées.
Les règles comme obstacle à l’éducation
Au Bangladesh, 32 % des filles ne savaient pas ce qu’étaient les menstruations avant d’avoir des enfants. leur première périodeEn Éthiopie rurale, une fille sur cinq n’a pas accès à des équipements pour gérer ses règles. Alors que 1,5 milliard de personnes ne disposent pas d’installations sanitaires de base, de nombreuses femmes et filles n’ont pas d’espace privé pour leurs règles. En raison du tabou des règles, de la pauvreté menstruelle et du manque d’installations d’hygiène, de nombreuses filles considèrent leurs règles non pas comme « un processus naturel et sain », mais comme une interruption importante de la vie quotidienne. Cette interruption se fait le plus sentir dans le contexte scolaire.
Prenons l’exemple banal et quotidien des fuites. Les fuites accidentelles sont d’autant plus fréquentes chez les filles des pays en développement que celles-ci ont un accès limité aux équipements nécessaires à la gestion des règles et doivent parcourir de plus longs trajets pour se rendre à l’école. Le manque d’installations sanitaires et d’eau potable limite la capacité des filles à gérer les fuites en toute intimité. Enfin, souvent privées du soutien de leur famille ou de leurs enseignants, les filles peuvent être ridiculisées par leurs camarades. Il est évident que les règles peuvent dissuader les filles d’aller à l’école. En Afrique, une fille sur dix manque l’école pendant ses règles : cela représente 3 à 5 jours de scolarité perdue par mois.
À Madagascar, les menstruations sont considérées comme l’une des principales causes d’absentéisme des filles. Dans certains cas, elles sont également un catalyseur d’abandon scolaire. Cela limite non seulement leurs perspectives économiques futures, les éloignant du marché du travail productif, mais augmente également leurs risques de mariage précoce et de grossesse.
Périodes de discussion : Conversation entre pairs
Financé par le Fonds pour l'Innovation dans le Développement (FID), le PSE poursuit un projet de recherche à visée périodique : le «Jeunes filles leadersLe programme « La gestion des menstruations » a pour objectif de déterminer si la promotion de discussions saines et productives entre filles pour réduire la stigmatisation autour des menstruations peut augmenter la participation des filles à l'école. Le programme est mis en œuvre dans trois districts d'Amoron'i Mania, à Madagascar. Entre trois et six filles seront choisies et éduquées à la gestion des menstruations. Les filles seront encouragées à converser avec leurs pairs féminins sans l'inconfort qui accompagne souvent ces échanges.
Pour déterminer les bénéfices du programme Young Girls Leaders, 70 écoles bénéficieront à la fois de l’intervention Eau, assainissement et hygiène (WASH) de l’ONU et du programme Young Girls Leaders. 35 autres écoles ne bénéficieront que du programme WASH. En comparaison, 35 autres écoles serviront de groupe témoin, ne recevant aucune des deux interventions. Le programme de recherche prédit que des conversations saines autour des règles entraîneront un « changement de norme sociale ». De plus, lorsqu’elles sont utilisées avec l’intervention WASH, elles augmentent considérablement la probabilité que les filles restent à l’école pendant leurs cycles menstruels.
Conclusion
Les recherches menées par le PSE ne visent pas à mettre en œuvre directement des programmes à long terme pour lutter contre la précarité menstruelle. Elles visent plutôt à produire des données probantes qui peuvent être utilisées pour élaborer des interventions plus vastes et à grande échelle à l’échelle mondiale, afin de garantir que les filles restent à l’école pendant leurs règles. En soutenant ces recherches, le FID souligne l’importance du financement international pour stimuler l’innovation dans une perspective axée sur le développement.
Tilly est basé à Surrey, au Royaume-Uni, et se concentre sur les bonnes nouvelles et la politique pour le projet Borgen.
*