Au Liban, 20 % des filles sont victimes de mariages d’enfants. En 2017, l’UNICEF a publié une étude régionale sur le mariage d’enfants au Liban, indiquant que le pourcentage de mariages d’enfants dans le pays varie selon la nationalité. L’étude a révélé que 6 % des victimes étaient libanaises, 12 % étaient des réfugiés palestiniens du Liban, 25 % étaient des réfugiés palestiniens de Syrie et 40,5 % étaient des réfugiés syriens. La situation politique instable au Moyen-Orient a fait du Liban un point de convergence pour les réfugiés qui sont également victimes de mariages d’enfants.
Pauvreté et mariage d’enfants
La pauvreté touche 44 % de la population du Liban. Entre 2019 et 2021, le PIB par habitant du pays a chuté de 36,5 %. En outre, la Banque mondiale a reclassé le Liban de la catégorie des pays à revenu intermédiaire supérieur à celle des pays à revenu intermédiaire inférieur en juillet 2022. Avec un chômage qui touche 300 000 personnes et une forte augmentation du nombre de réfugiés, le taux de mariages d’enfants a augmenté, selon l’UNICEF.
Le conflit qui a entraîné un afflux massif de réfugiés a mis à rude épreuve les infrastructures et les finances libanaises, ce qui a conduit les réfugiés à se retrouver sans papiers et à trouver une solution dans le mariage des enfants.
Les Libanais ont également vu leurs besoins les plus élémentaires augmenter, l’inflation ayant augmenté de 200 % depuis 2019, selon Anera. Cela oblige de nombreux Libanais, y compris des non-réfugiés, à marier leurs filles pour survivre.
La pandémie de COVID-19 a également entraîné une augmentation des mariages d’enfants au Liban. Depuis le début de la pandémie, jusqu’à 10 millions de filles supplémentaires dans le monde risquent d’être victimes d’un mariage d’enfants au cours de la prochaine décennie. Avec la fermeture des écoles pendant la pandémie, la probabilité de mariage d’enfants pourrait être 25 % plus élevée.
Un changement est possible
Un rapport de l’UNICEF montre qu’une approche axée sur l’éducation peut changer la perception du mariage des enfants. Le rapport montre que 62,3 % des filles scolarisées sont contre le mariage des enfants, suivies de 45 % des filles qui ont abandonné l’école et de 37,2 % des filles sans éducation.
Cela démontre qu’il existe un lien entre le mariage des enfants et l’éducation. Par conséquent, une augmentation de la pression politique sur les politiques éducatives au Liban et au Moyen-Orient pourrait avoir un impact positif en réduisant les cas de mariage d’enfants.
Le Liban ne dispose pas d’une loi sur le statut personnel qui réglemente des questions telles que l’âge légal du mariage. Au lieu de cela, 18 groupes religieux différents réglementent cette question, selon DW. En décembre 2020, le Conseil suprême islamique sunnite a approuvé le relèvement de l’âge minimum du mariage à 18 ans. De même, entre novembre 2020 et décembre de la même année, les autorités religieuses musulmanes chiites ont affirmé avoir relevé l’âge minimum du mariage à 15 ans, rapporte DW.
Une approche structurelle
ABAAD est une organisation qui lutte pour l’égalité des sexes dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). ABAAD a collaboré avec l’Université Queens pour étudier les facteurs qui influent sur le mariage des enfants, dans le but d’obtenir, grâce à la collecte de données, une compréhension des raisons pour lesquelles le mariage des enfants se produit et de la manière dont ses causes peuvent être intersectionnelles.
L’étude a ciblé différents groupes, allant des mères de victimes de mariages d’enfants aux dirigeants communautaires et, comme on le savait auparavant, a montré que certaines des causes profondes du mariage d’enfants sont l’éducation, les situations politiques, l’instabilité et la pauvreté.
L'étude d'ABAAD a toutefois également permis d'aboutir à une conclusion essentielle pour les stratégies futures visant à prévenir le mariage des enfants au Liban. Les résultats ont démontré que les femmes et les hommes participants réagissaient différemment aux causes du mariage des enfants, ce qui montre que l'approche est genrée. ABAAD en a conclu que les stratégies futures peuvent donc cibler les groupes qui ont une opinion différenciée et viser à modifier ce discours genré. Par exemple, en remettant en question le discours genré selon lequel les hommes sont responsables des revenus de la famille.
Différents facteurs influent sur la situation du mariage des enfants au Liban. On le voit dans la façon dont le mariage des enfants varie selon la nationalité, des études démontrant que l’éducation peut avoir un impact sur l’approche du mariage des enfants, prouvant que sa perception varie selon les différents groupes sociaux.
Le mariage des enfants au Liban a donc de multiples causes intersectionnelles. Grâce aux progrès réalisés par les communautés religieuses et les organisations telles qu’ABAAD qui s’attaquent à ces causes profondes, on peut constater une évolution lente mais positive.
Daniela est basée à Londres, au Royaume-Uni et se concentre sur la politique pour le projet Borgen.
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