Les talibans, un groupe fondamentaliste islamique, sont revenus au pouvoir en 2021 après 20 ans d’insurrection. Après son éviction par une invasion menée par les États-Unis en 2001, le groupe s’est regroupé de l’autre côté de la frontière, au Pakistan. En l’espace d’une décennie, ils ont commencé à reconquérir des territoires en Afghanistan. Depuis leur retour au pouvoir, les talibans ont gravement menacé les droits civiques et les libertés des Afghans. Le groupe a renoué avec des pratiques similaires à celles qu’il avait adoptées à la fin des années 1990. La mission des Nations unies en Afghanistan a signalé de nombreuses violations des droits de l’homme. Les journalistes sont victimes d’intimidations, la liberté de la presse a été fortement restreinte et plusieurs organes de presse, dont The Daily Afghanistan, ont fermé. En outre, les talibans ont rétabli le ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice, connu pour avoir interdit les activités jugées non islamiques sous son précédent régime.
L'état actuel des droits des femmes
Les droits des femmes dans la région ont été éradiqués. Selon Amnesty International, l’Afghanistan se classe au dernier rang mondial en matière de droits des femmes, se classant à la 177e place sur 177 pays dans l’Indice de paix et de sécurité des femmes pour 2023/2024. C’est le seul pays qui restreint l’accès des filles à l’éducation au-delà de la sixième année et interdit aux femmes de travailler pour des organisations non gouvernementales.
Le ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice a étendu son pouvoir de contrôle des comportements personnels et d'application rigoureuse des sanctions. Cette extension se fonde sur un document de 114 pages comprenant 35 articles régissant presque tous les aspects de la vie en Afghanistan. « Nous vous assurons que cette loi islamique contribuera grandement à promouvoir la vertu et à éliminer le vice », a déclaré le porte-parole du ministère, Maulvi Abdul Ghafar Farooq. Les agents du ministère sont habilités à arrêter et à infliger des amendes aux contrevenants.
L’article 13, qui vise à éviter les tentations, impose aux femmes de dissimuler leur silhouette, de couvrir leur visage et de s’abstenir de tout contact visuel avec des hommes qui ne sont pas membres de la famille. L’article 15 interdit aux femmes de voyager sans tuteur masculin ou d’interagir avec des hommes qui ne sont pas de leur famille. Le ministre par intérim Mohammad Khalid Hanafi a souligné qu’il n’y aurait « aucun compromis dans l’application des lois islamiques ».
Fragilité et État de droit en Afghanistan
L’effondrement du gouvernement précédent a entraîné une dégradation significative des protections juridiques pour les femmes :
- Remplacement des lois existantes. Les talibans ont remplacé le cadre juridique existant par leur interprétation stricte de la charia, abolissant de nombreux droits et protections dont les femmes bénéficiaient auparavant en vertu de la constitution afghane et du code civil.
- Mise en œuvre arbitraire. Le nouveau système juridique applique souvent les règles de manière arbitraire, sans cohérence ni respect des procédures. Cette imprévisibilité fragilise encore davantage l’État de droit et expose les femmes à des violations de leurs droits.
- Accès limité à la justice. Sous le nouveau régime, les femmes sont confrontées à de graves limitations. De nombreuses institutions juridiques officielles ont cessé de fonctionner ou excluent désormais complètement les femmes. Cela les prive effectivement de tout recours à la protection juridique ou au règlement des litiges.
Réponses internationales
L’ONU a été l’une des premières à condamner les actions des talibans et à défendre les droits des femmes en Afghanistan :
- La résolution 2681 (2023) du Conseil de sécurité de l’ONU a appelé à la suppression immédiate de toutes les restrictions violant les droits des femmes et des filles afghanes.
- Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a qualifié la situation en Afghanistan d’« apartheid de genre ». Le rapporteur spécial des Nations Unies sur l’Afghanistan, Richard Bennett, a appelé les talibans à libérer les défenseuses des droits humains et à respecter tous les droits humains des femmes et des filles.
- De nombreux pays ont utilisé la voie diplomatique pour exprimer leurs inquiétudes. L'ambassadeur du Royaume-Uni auprès de l'ONU a dénoncé les actions des talibans comme étant une « misogynie médiévale au-dessus des besoins humanitaires ». Plusieurs États membres de l'ONU, dont l'Albanie, l'Équateur, Malte et l'Espagne, ont qualifié la situation d'apartheid sexuel lors des sessions du Conseil de sécurité de l'ONU.
Initiatives juridiques et politiques
Plusieurs initiatives juridiques et politiques sont menées pour remédier à la fragilité de l’État de droit en Afghanistan.
- Codifier l’apartheid de genre : Des efforts sont en cours pour codifier l’apartheid sexuel comme crime contre l’humanité, ce qui pourrait impliquer la Cour pénale internationale (CPI) dans la lutte contre la discrimination systématique à l’égard des femmes en Afghanistan. Des experts de l’ONU ont demandé l’ouverture d’enquêtes sur les talibans, les obligeant à rendre des comptes pour les violations des droits humains fondées sur le sexe, qui s’apparentent à de la persécution fondée sur le sexe.
- Sanctions ciblées : Certains pays envisagent de mettre en œuvre des sanctions ciblées contre des dirigeants talibans responsables de violations des droits de l’homme. Cette approche vise à accroître la pression sur les décideurs du régime taliban.
- Principes de l’aide humanitaire : Les appels à un engagement respectueux des principes dans l’aide humanitaire se multiplient. En outre, des voix s’élèvent pour demander aux talibans de lever immédiatement l’interdiction faite aux femmes afghanes de travailler pour l’ONU et les ONG. Des voix s’élèvent également pour soutenir la participation pleine et sûre des femmes à la prise de décision et à la mise en œuvre de l’aide humanitaire, ainsi qu’un soutien accru aux organisations humanitaires, en particulier celles dirigées par des femmes afghanes.
- Mécanismes de responsabilisation : Les appels à la responsabilisation, élément clé du respect de l’État de droit, se multiplient. Les défenseurs des droits de l’homme demandent que les auteurs de violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme rendent des comptes. Ils soulignent la nécessité de lutter contre la persécution fondée sur le genre et les autres abus visant les femmes et les filles de toutes origines.
Regard vers l'avenir
La fragilité de l’État de droit en Afghanistan souligne les défis que pose le maintien des protections juridiques dans des environnements politiques instables. Cette situation met en évidence la nécessité de mécanismes internationaux solides pour protéger les droits de l’homme et faire respecter l’État de droit dans les États fragiles.
Hannah est basée à Londres, au Royaume-Uni, et se concentre sur la politique pour le projet Borgen.
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