Avec une population croissante de jeunes en âge de travailler, le potentiel de développement économique du Kosovo est évident. Malgré cela, il continue d'être classé parmi les pays les plus pauvres d'Europe, le taux de pauvreté en 2023 s'élevant à 21,7 %. En comprenant comment la pauvreté et les problèmes de fragilité et d'État de droit au Kosovo sont interconnectés, les racines du sous-développement de cette nouvelle nation peuvent être mises en lumière.
Où : Les origines de la fragilité
Les difficultés actuelles liées à la fragilité et à l’État de droit au Kosovo sont étroitement liées à son parcours historiquement tumultueux vers la souveraineté. Le Kosovo était à l’origine une province de l’ex-Yougoslavie, mais les revendications d’autodétermination du Kosovo se sont intensifiées après l’éclatement final de la Yougoslavie en 1992. Le Kosovo a obtenu son indépendance en 2008, mais ce processus s’est avéré difficile. La guerre du Kosovo illustre ce parcours mouvementé, dans un contexte où le nettoyage ethnique des Albanais du Kosovo a suscité l’indignation internationale.
Sur le plan démographique, le Kosovo est à prédominance albanaise (93 %), même si une minorité de Serbes du Kosovo réside dans le pays, notamment dans le nord, où la Serbie maintient de facto le pouvoir. Le Kosovo reste donc une région d'une importance politique et culturelle considérable pour la Serbie. Si le conflit civil entre Serbes et Albanais a atteint son apogée pendant la guerre du Kosovo, l'héritage de cette tension ethnique après 1999 demeure, continuant de menacer la stabilité du Kosovo.
Quoi : Les manifestations actuelles de la fragilité
En 2022, des manifestations violentes ont commencé à émerger lorsque le gouvernement national a réprimé les Serbes ethniques qui n'adoptaient pas les plaques d'immatriculation du Kosovo. À la suite de ces troubles civils, il y a eu un retrait massif des Serbes ethniques des institutions nationales comme deuxième forme de protestation, selon le rapport de 2024 Note d'information sur la recherche de la Chambre des communes.
Les événements d’avril 2023 sont un cas similaire : les Serbes de souche ont boycotté les élections locales dans les municipalités du Nord. Ces événements sont liés à la revendication selon laquelle les Serbes de souche ne sont pas suffisamment représentés au gouvernement, ce que les données du sondage reflètent encore davantage, montrant que la majorité des Kosovars reconnaissent que la nation est gouvernée dans l’intérêt de certains groupes, mais pas de tous.
Comme dans de nombreux pays sortant d’un conflit, la fragilité politique et sociale se manifeste également par un Etat de droit affaibli. Dans les Etats sortant d’un conflit et fragiles, il existe généralement un « déficit de capacités » étatique important, ce qui rend difficile l’application de la loi. Ce déficit de capacités se manifeste au niveau judiciaire au Kosovo, où les forces de maintien de la paix de l’ONU doivent établir des centres civilo-militaires pour traiter les signalements de crimes, selon l’USAID.
La corruption gouvernementale et le crime organisé continuent de ronger le pays, profitant des lacunes des capacités institutionnelles et judiciaires. La prévalence de la corruption est un exemple de la faiblesse de l'État de droit au Kosovo, tout comme la prolifération du trafic de drogue et de passeurs.
Entrave au développement
En règle générale, les données montrent que la fragilité aggrave la pauvreté. Comme l’affirme Carolina Sánchez-Páramo, directrice mondiale du pôle Pauvreté et équité de la Banque mondiale : « Si nous ne nous attaquons pas aux causes de la fragilité et des conflits, nous ne parviendrons pas à gagner la lutte contre l’extrême pauvreté. » Dans la lignée de ce discours, le risque d’aggravation des conflits ethniques au Kosovo met en péril les initiatives de réduction de la pauvreté, voire leur échec.
En outre, alors que le crime organisé a proliféré, d’autres industries ont échoué, selon le magazine Per Concordiam. Les sondages de 2023 montrent que le manque d’emplois au Kosovo est une préoccupation majeure, juste après le coût de la vie, et ce chômage est exacerbé parmi les jeunes kosovars, laissant une grande partie de leur population jeune et en âge de travailler avec peu ou pas de revenus durables, selon le Center for Insights in Survey Research.
En revanche, la dépendance au crime organisé pour générer des revenus laisse peu de place au développement durable de l’industrie ou aux possibilités d’emploi légal, tout en réduisant considérablement les recettes fiscales. En moyenne, les pays des Balkans perdent entre 20 et 30 % de leurs revenus annuels à cause de ce type d’activité, selon le magazine Concordiam. Ces revenus pourraient être utiles au développement des infrastructures publiques, des services de santé et d’éducation et d’autres projets de dépenses publiques.
Solutions à long terme
Malgré les difficultés évidentes liées à la fragilité et à l’état de droit au Kosovo, il existe certainement une possibilité de développement durable, guidé par des initiatives internationales visant à soutenir le développement de l’industrie privée et l’intégration régionale.
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) reconnaît la complexité de la situation du Kosovo, notamment la complexité de ses relations avec la Serbie, sa population multiethnique et les lacunes des capacités institutionnelles de l'État. Grâce à une stratégie d'investissement et de politique sur cinq ans qui favorise une intégration régionale plus poussée, la BERD vise à stimuler le secteur privé national en ouvrant l'industrie kosovare à de nouveaux marchés.
La stratégie précédente de la BERD pour la période 2016-2021 a été couronnée de succès dans une multitude de domaines, en finançant les deux premiers projets d'énergie renouvelable à grande échelle du pays, le parc éolien de Baigora et le parc éolien KITKA ; en réhabilitant la ligne ferroviaire 10 du Kosovo, en contribuant à améliorer la connectivité avec la Macédoine du Nord et la Serbie ; et en mettant en place des programmes de prêts spécifiques aux femmes en affaires.
Le chemin vers un développement économique durable au Kosovo a été semé d'embûches, entravé notamment par un contexte sociopolitique fragile, des institutions étatiques sous-développées et des réseaux criminels étendus. Mais le potentiel inexploité de la population jeune du Kosovo demeure, tout comme les initiatives internationales visant à soutenir le Kosovo sur le plan économique.
Tilly est basé à Surrey, au Royaume-Uni, et se concentre sur les bonnes nouvelles et la politique pour le projet Borgen.
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